22.3.06

NOTRE COMBAT

Commentaires
Combattre le racisme et l’antisémitisme sur l’Internet en 2005
21/03/06




- - Thème: Antisémitisme
Marc Knobel, Chercheur au CRIF, a apporté au rapport annuel de la CNCDH sur le racisme et la xénophobie une contribution concernant la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet en 2005.

Une année vient donc de s’écouler depuis que la CNCDH a publiée en 2004 le volume 1 de son rapport consacré au racisme et à l’antisémitisme sur l’Internet. Afin d’alimenter la réflexion sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie sur Internet, nous avions publié pour le rapport de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme de 2004 (pp.295 – 307) un avis sur l’étendue du phénomène. Nous avions constaté que les néonazis, les négationnistes et d’autres extrémistes ont vite compris le parti qu’ils peuvent tirer d’une utilisation rationnelle et systématique de l’Internet. Ils utilisent le réseau informatique et font ainsi l’économie de disquettes ou de fanzines dont la distribution comporte encore trop de risques pour eux et sont d’un coût relativement élevé. Pour ces groupes, l’outil Internet est si pratique qu’il est devenu le vecteur par excellence pour diffuser de la propagande et mener toutes sortes d’actions. Nous avions largement insisté sur la dangerosité du phénomène et sur le fait que nombre de sites d’extrême droite particulièrement stigmatisent les immigrés (africains, asiatiques, arabes, turcs et kurdes…), les homosexuels ou les juifs. Chacun de ces sites rivalisent d’ailleurs en grossièreté et certains d’entre eux se caractérisent par des attaques véhémentes contre les juifs, les arabes ou les musulmans.

Nous avions également constaté que les islamistes surfent très largement sur le réseau pour se tenir informés et coordonner leurs actions, en toute impunité, à travers des mots clés, des adresses plus ou moins fictives. Ces sites qualifient systématiquement l’ennemi, en appellent au Djihad et encouragent les attentats terroristes. Ils développent des thèses anti-occidentales qui trouvent leur justification, sous une forme ou sous une autre, dans les textes sacrés, vus et corrigés par leurs auteurs et nous indiquions que, par exemple, sur certains sites, on s’étend longuement sur la corruption de la parole divine (le Coran) par les juifs et les chrétiens, qui prêcheraient par anthropomorphisme, associationnisme et idolâtrie. D’autres textes véhiculent la théorie du grand complot. Ce complot serait fomenté pour déstabiliser le monde et selon les auteurs de ces textes, la troisième guerre mondiale sera forcément dirigée contre l’islam. A cet égard, nous encourageons le politologue Jean-Yves Camus à poursuivre son étude en cours sur la diffusion de l’antisionisme radical, de l’antisémitisme et du négationnisme sur les sites se réclamant de l’Islam radical.

En 2005, Les sites racistes et antisémites continuent de polluer le Net.
Puisque nous sommes amenés à reparler de ce sujet pour le présent texte, nous avons le regret de constater que la situation n’a guère évoluée de 2004 à 2005. Les sites racistes, xénophobes et antisémites -qu’ils fussent quelquefois hébergés en France ou surtout hébergés à l’étranger- continuent de polluer le Net et de diffuser une propagande particulièrement nauséeuse. Les sites extrémistes sont de plus en plus nombreux. Il n’est d’ailleurs plus possible aujourd’hui, me semble-t-il, de les compter. Et, cette croissance se poursuivra tant que les groupuscules, groupes, mouvements, éléments ou individus (prônant la haine) seront déterminés à diffuser leur propagande sur le Net. Par ailleurs et grâce à des moteurs de recherches (Yahoo, Google…) de plus en plus performants, il est possible, en l’espace de quelques fractions de secondes de se voir proposer les adresses des principaux sites extrémistes dans le monde et d’avoir accès à des contenus très complets d’ouvrages négationnistes, antisémites ou/et racistes. Et nous affirmons qu’il y a là -avec un tel référencement- un véritable problème.

Les moteurs de recherches
Récemment, un journaliste a abordé cette question du référencement par les moteurs de recherches, pour une étude qui a été publiée dans Les Cahiers de l’Observatoire de l’association J’Accuse, avril 2005, numéro 2. Sur les neufs moteurs de recherche les plus utilisés, en français ou en anglais, Laurent Duguet a testé 22 mots clés fin 2004, pour mesurer la présence de sites négationnistes parmi les vingt premières réponses apportées par le moteur de recherche. Ces mots clés ont été choisis en fonction de leur lien avec le vocabulaire de la Shoah, de l’antisémitisme et du négationnisme. Trois mots clés, et non des moindres, ne laissaient apparaître aucun site négationniste parmi les vingt premières réponses, quelque soit le moteur de recherche. C’est le cas d’Auschwitz et de camps de concentration (au pluriel et au singulier). Cette absence pousse à se demander s’il s’agit d’un filtrage opéré volontairement par les moteurs de recherche, s’interroge Laurent Duguet. Sur d’autres mots clés, quelques sites négationnistes s’affichaient, mais dans de faibles proportions. Le mot négationnisme faisait émerger 10 % de sites négationnistes sur un seul moteur tandis que le mot holocauste – utilisé à la fois pas les Anglo-saxons (holocaust) et les négationnistes pour désigner la Shoah – faisait réagir quatre moteurs, jusqu’à atteindre une proportion de 20 % de ces sites.

Pour savoir si les négationnistes tentaient de capter l’intérêt d’internautes à la recherche de témoignages ou de travaux d’historiens de la Shoah, trois noms ont été proposés : Primo Levi, Pierre Vidal-Naquet et Léon Poliakov. Primo Levi faisait apparaître un même site négationniste sur yahoo.com et msn.com. Léon Poliakov était cité une fois (soit 5% des réponses) sur quatre sites négationnistes différents répartis sur quatre moteurs de recherche. Vidal-Naquet faisait apparaître jusqu’à 20 % de sites négationnistes sur search.yahoo.com et 10 % sur msn.com, free.fr et google.com. En général, cependant les moteurs de recherche français ne proposaient pas aux internautes de sites négationnistes dans les vingt premières réponses. Les moteurs où les pourcentages les plus importants apparaissaient étaient search.yahoo.com, free.fr ou msn.com.

Par ailleurs, les mots clés suscitaient une présence non négligeable, voire majoritaire, de sites négationnistes sur les vingt premières réponses de certains moteurs de recherche. Ces mots clés entraient dans le cœur du vocabulaire négationniste. Pour génocide des juifs, celui qui recherchait ces mots sur les moteurs google ou yahoo.fr ne voyait pas de résultats comprenant des sites négationnistes, tandis que msn.com et search.Yahoo.com en proposaient 25 %. Là où camp de concentration n’activait pas les sites négationnistes, camps d’extermination les attirait en grand nombre : ils étaient 50 % sur msn.com, dont 20 % dans les cinq premières réponses, et 35 % sur search.yahoo.com. Ils étaient cependant absents de six moteurs sur les neufs moteurs de recherche étudiés, précise l’auteur.

Les mots -qui concernaient le thème central des négationnistes- confirmaient à la fin de l’année 2004 la présence de ces sites sur les moteurs de recherches. Ainsi, en était-il de chambre à gaz : à l’exception de trois moteurs français qui n’en proposaient aucun, les autres moteurs proposaient jusqu’à 50 % de réponses négationnistes, avec un pic pour msn.com où trois réponses sur les cinq premiers sites proposés concernaient des adresses web négationnistes. Avec chambres à gaz, search.yahoo.com proposait 65 % de réponses vers des sites négationnistes, dont la totalité des cinq premières réponses. Pour zyklon B, les pourcentages étaient faibles mais quatre moteurs proposaient un site négationniste parmi les cinq premières réponses, rappelle Laurent Duguet.

Cette étude minutieuse mériterait d’être prolongée en 2006, même si nous savons –parce que nous consultons régulièrement les moteurs de recherches- que les sites référencés sont toujours aussi nombreux.

La fréquentation réelle des sites négationnistes
Malgré cela, nous dirions qu’il faut raison garder. On doit éviter de réduire Internet à un médium de haine. Faut-il rappeler que sur les dizaines de millions et de millions de pages, sur les milliers et milliers de listes et de forums de discussions disponibles, seuls quelques milliers de pages déversent leur haine ? C’est dire si leur place est marginale au regard de l’offre de sites que peut découvrir un internaute. Sur la fréquentation réelle des sites négationnistes sur l’Internet, Laurent Duguet pour les Cahiers de l’Observatoire a consulté le site www.alexa.com, qui mesure le niveau de trafic des 100.000 principaux sites sur Internet dans le monde. Il a été possible de disposer de statistiques que Laurent Duguet interprète cependant avec une grande prudence. Ces classements, dont on peut discuter de la fiabilité, indiquent, en tout cas, que les sites négationnistes sont très mal situés au regard d’un classement mondial qui prend en considération les 100.000 sites les plus fréquentés. Pour se munir d’un repère, Laurent Duguet a choisi deux sites dont la fréquentation est très importante : le site du quotidien Le Monde, situé en 2.083ème position des sites les plus visités sur le Web au cours des mois de mai, juin, juillet 2004 et le site suprémaciste Stormfront qui fait référence aux sites négationnistes, classé, en 5. 157ème position mondiale.

Parmi les sites négationnistes, le mieux classé est celui de David Irving, situé en 38.042ème place. Le site dispose probablement d’une notoriété qui n’est pas étrangère au cheminement de David Irving, qui avant de se ranger parmi les négationnistes, était un historien spécialisé et controversé sur Hitler. Les sites disparaissent ensuite dans les profondeurs du classement mondial, au-delà du 100.000ème : l’ihr.org est au 141.676ème rang, talonné par vho.org, au 164.819ème rang.

Des mots à la violence
Appréhender ce genre d’informations techniques sur les sites négationnistes permet d’éviter de les surévaluer, sans pour autant ignorer leur existence avérée sur la toile et le danger potentiel qu’ils représentent auprès des internautes, note Laurent Duguet. Justement, interrogé sur ce danger potentiel par Libération (16 juin 2004), Michael Wine du Community Security Trust (service de protection de la communauté juive britannique) explique : « Nous savons qu'il y a eu une explosion des sites Internet, qu'ils promeuvent la haine, et qu'on assiste à une augmentation inquiétante des tensions religieuses et raciales allant parfois jusqu'à la violence, contre différentes minorités, mais surtout les juifs. Mais ce que nous devons faire maintenant, c'est commencer à examiner la relation entre de tels sites et la violence dans les rues ». Michael Wine rappelle toutefois que les émeutes qui ont secoué en 2002 les villes du nord de l'Angleterre, ont été en partie organisées sur Internet par le British National Party et le National Front. Autre exemple : les sites Redwatch en Grande-Bretagne, et Anti Antifa en Allemagne ont publié des listes de personnalités antifascistes. Et, reconnaît Michael Wine, « ces personnalités ont été effectivement agressées ».

Comme Michael Wine, nous pensons qu’il faudrait déterminer avec plus de précision comment de tels sites peuvent inciter à la violence. Dans le rapport de la CNCDH en 2004, nous rappelions un fait qui nous paraissait emblématique : ce qui s’était passé au lycée de Littletown, dans la banlieue de Denver (USA), le 20 avril 1999. Quinze personnes avaient été tuées, vingt-trois autres avaient été blessées et hospitalisées par deux jeunes lycéens. Or, Eric Harris et Dylan Klebord adoraient les jeux de violence virtuels et les sites racistes qui banalisent le viol, la torture, le meurtre. L’un et l’autre exaltaient les forts, se fascinaient pour les meurtres en série et se délectaient de la violence qui est présentée à l’écran.

Nous insistons sur ce point. Nul ne peut ignorer les injures prononcées sur les sites Internet racistes et antisémites. Prenons un exemple.

Le site de l'Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerre et d'Holocauste (AAARGH), fondé en 1996, faisait sans conteste figure de pionnier du négationnisme de langue française sur le réseau Internet. Egalement traduit en huit langues, il avait pour objet déclaré de démontrer « le fait qu'il n'y a pas eu de gazage et homicide massif dans les camps de concentration allemands à l'époque nazie » (« AAARGH, pourquoi nous sommes là »).

Le site incriminé ciblait particulièrement un public Français comme en témoignent non seulement l’acronyme qui constitue son "nom de domaine" (AAARGH), mais encore les multiples références à la législation nationale et en particulier la dénonciation de la loi Gayssot du 13 juillet 1990, dont l’un des articles vise à sanctionner la négation de crimes contre l’Humanité. A cet égard, une chronique d’actualités franco-françaises très fournie se trouvait régulièrement alimentée et mise à jour, comme du reste l’ensemble de ce site très "professionnel".

Force est de constater que le site de l'Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerre et d'Holocauste constituait depuis sa création un véritable défi aux lois de la république, en particulier aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sanctionnant pénalement la contestation du crime contre l’Humanité perpétré à l’encontre des juifs (article 24 bis), rappelle avec justesse Maître Stéphane Lilti, avocat de l’Union des Etudiants Juifs de France et de SOS Racisme.

Dès le 7 avril 1997 et le 29 avril 1998, l’Union des Etudiants Juifs de France saisissait la 4ème section du Parquet de Paris des multiples atteintes à l’ordre Public constatées sur l’AAARGH.
En offrant de télécharger gratuitement plusieurs siècles de littérature antisémite le site de l’AAARGH était connu et reconnu comme l’un des plus puissants vecteurs de haine anti-juive sur le réseau Internet.

Se trouvaient en ligne en 2004 :

1) Les plus abjects brûlots anti-juifs d’avant-guerre, comme les terribles pamphlets de Louis Ferdinand Céline, dont le tristement célèbre « Bagatelles pour un massacre » (1937).

2) Parmi les plus sinistres feuilles de l’occupation, "Les décombres" (1942) de Lucien Rebatet que l’AAARGH qualifie de « livre le plus fameux de tous ceux qui furent publiés pendant la Seconde Guerre mondiale. Jamais réédité intégralement. Pour la première fois sur le Net !!! Texte intégral ! pdf - 407 p. Une affaire en or ». Ce bréviaire de la haine en format PDF a été publié en juillet 2004, sur le site de l’AAARGH.
3) Une rubrique très explicitement baptisée « Les classiques de l’antisémitisme » qui pointe vers de très nombreux ouvrages.
4) De multiples contributions du négationniste Robert Faurisson.
5) De nombreux textes d’un antisionisme radical.

Les exemples cités ci-dessus par Maître Stéphane Lilti dans une assignation pourraient être hélas multipliés au centuple et témoignent suffisamment de l’objet à l’évidence illicite du service de communication au public en ligne AAARGH.

Ces faits ont régulièrement été constatés suivant procès-verbal de constat dressé par des Huissiers de Justice Associés près le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 16 décembre 2004. Il convient de relever ici qu’en neuf années d’existence, le site de l’AAARGH s’est plusieurs fois trouvé "délocalisé", au gré des investigations de la justice française, saisie à de nombreuses reprises mais toujours impuissante.

Hier en suède, c’est aux Etats-Unis d’Amérique qu’il s’était réfugié, sous la protection souveraine du premier Amendement de la Constitution américaine avait rappelé pour sa part un autre avocat, Maître Richard Sebban de l’association J’accuse.

La loi sur l’économie numérique et la procédure contre l’AAARGH

Or, la législation a récemment évoluée.

Votée en 2004, La loi sur l’économie numérique (LEN) a expressément consacré la faculté offerte au juge des référés, en dehors de tout autre critère de compétence, de prescrire la mesure de filtrage d’un site Internet raciste et antisémite (article 6-I.8 de la loi) :

« L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 (les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services) ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 (les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne), toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

C’est au nom de ces nouvelles dispositions et par assignation du 7 février 2005 qu’une huitaine d’associations requérantes (J’Accuse, l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF), SOS Racisme, la Ligue française pour la Défense des droits de l’Homme et du Citoyen (LDH), le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (M.R.A.P.), l’association Mémoire 2000, l’association Amicale des Déportés d’Auschwitz et des Camps de Haute Silésie et le Consistoire Central Union des Communautés Juives de France) ont engagé le fer avec des fournisseurs d’accès (les sociétés FRANCE TELECOM, FREE, AOL France, TISCALI ACCES, NEUF TELECOM, TELE 2 France, SUEZ LYONNAISE TELECOM à l’enseigne NOOS, T ONLINE FRANCE à l’enseigne T ONLINE-CLUB INTERNET, la société NUMERICABLE et GIP RENATER). Maître Stéphane Lilti a justifié la démarche dans Le Monde du 16 mars 2005. Une mise en demeure a été adressée à deux hébergeurs américains : ils n’ont pas répondu, même si l’un d’entre eux a cessé, le 7 février, de diffuser le site de l’AAARGH. « C’est une bonne administration de la justice que de faire venir les fournisseurs d’accès devant vous », a dit l’avocat au juge Emmanuel Binoche, vice-président du tribunal. Maître Lilti a reproché à ses opposants, réticents à bloquer sans plus tarder la diffusion du site AAARGH « une attitude proche du recel de nomadisme, prétexte à ne rien faire ». « Tous les citoyens et aussi les professionnels de la communication que sont les fournisseurs d’accès doivent être conscients de leur responsabilité », à déclarer pour sa part Maître Bernard Jouanneau, au nom de l’association Mémoire 2000.

Lors de l’audience du 18 avril 2005, il apparaissait :

- qu’aucun des prestataires d’hébergement régulièrement touchés par l’assignation ne jugeait bon de comparaître,
- que l’adresse www.aaargh.com.mx hébergée par la société américaine GLOBAT LLC était devenue inactive,
- que le site de l’aaargh n’était plus accessible qu’à l’unique adresse vho.org/aaargh hébergée par la société américaine ThePlanet.com Internet Services Inc,
- que les associations demanderesses limitaient dès lors leur demande de retrait du site à l’encontre de cette seule société,
- qu’en revanche, elles maintenaient toutes leurs demandes relatives à l’identification de l’éditeur, du directeur de la publication et du titulaire du contrat d’hébergement,
- que, pour leur part, les FAI défendeurs contestaient la recevabilité et le bien fondé de la demande de déclaration d’ordonnance commune formée contre eux.

C’est dans ces conditions que, par ordonnance de référé du 20 avril 2005, Monsieur le Président, rejetant l’ensemble des exceptions d’irrecevabilité, de sursis à statuer et de mise hors de cause soulevées en défense, constatant le caractère manifestement illicite du site de l’AAARGH dans sa globalité et l’urgence d’assurer la cessation du trouble, a fait droit à l’essentiel des demandes, tant au titre du retrait du site incriminé qu’à celui de l’identification sous astreinte de ses éditeurs et responsables.

Finalement, par ordonnance du 13 juin 2005 le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a fait injonction aux principaux fournisseurs d’Accès de France de mettre en œuvre toutes mesures propres à interrompre la diffusion du plus grand site négationniste et antisémite de langue française, l’AAARGH. Cette décision a contraint les fournisseurs d’accès à filtrer le site de l’AAARGH auprès des internautes français. Le 23 juin 2005 les sociétés FRANCE TELECOM, FREE, AOL France, TISCALI ACCES, NEUF TELECOM, TELE 2 France, SUEZ LYONNAISE TELECOM à l’enseigne NOOS, T ONLINE FRANCE à l’enseigne T ONLINE-CLUB INTERNET, la société NUMERICABLE et GIP RENATER ont informé les associations antiracistes qu’elles avaient mises en œuvre les mesures nécessaires, à partir du site d’origine de l’AAARGH, vho.org. En ce qui concerne les abonnés d’AOL, l’interdiction a été étendue aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et en Allemagne. Depuis, les FAI ont fait appel de cette décision. Pour notre part, nous estimons que l’ordonnance du 13 juin 2005 est remarquable.

Pour être complet, nous voudrions rappeler cette dernière décision et procédure : en janvier 2006, une cour d'appel de Californie a admis qu'un tribunal français pouvait interdire la vente sur le Net de croix gammées ou d'insignes de SS. Elle a ainsi conclu, le différend entre le site américain Yahoo.com et les associations françaises (UEJF et LICRA), au terme de plusieurs années de controverse fertile en rebondissements.

En 2000, le tribunal de Paris avait enjoint à ce serveur, logé en Californie, de supprimer toute vente d'objets nazis, dans les trois mois sous astreinte de 15.000 euros par jour. Tout en traînant des pieds, Yahoo avait renoncé à faire appel. En 2001, le serveur avait adopté un code de conduite proscrivant la mise aux enchères ou la promotion d'objets associés « à des groupes adoptant des positions raciales haineuses et violentes ». Parallèlement, la société avait lancé une action en Californie, en estimant que ce jugement violait la liberté d'expression, consacrée par le premier amendement de la Constitution américaine. Yahoo assurait que cette interdiction, ne pouvant se limiter à la France, affecterait inévitablement sa clientèle américaine. Dans un premier temps, le tribunal de San José lui a donné raison. Ce jugement est aujourd'hui contredit par la cour d'appel, qui a jugé cet argumentaire sur les effets de la décision française bien « vague ».


Conclusion
En guise de conclusion, nous voudrions insister sur les points suivants.

Premièrement. Rappelons cette évidence : sur le Net, le racisme et l’antisémitisme ne peuvent être considérés comme de simples opinions.

Deuxièmement. Nous rappelons que les hébergeurs doivent concourir à la lutte contre la diffusion d’informations portant sur l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, incitant à la haine raciale ou ayant un caractère pédophile.

Troisièmement. Nous voulons rappeler qu’en juin 2005, lors d’une réunion d’un groupe de travail opérationnel et ministériel « racisme et antisémitisme sur Internet », il a été indiqué qu’à partir de l’Office Central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) -qui reçoit déjà de nombreux signalements qui lui sont adressés par l’Association des Fournisseurs d’Accès et d’autres associations- le ministère de l’Intérieur, avec la participation de la gendarmerie, mettra très prochainement en place un point de signalement qui sera opérationnel. Nous espérons qu’assez rapidement, ce point de signalement traitera les signalements et les inscrira dans une basse de donnée.

Quatrièmement. Nous pensons qu’il faudrait permettre à l’autorité qui détient des informations sur les auteurs de sites racistes de lui demander non pas seulement l’identification éventuelle et l’interpellation des coupables mais de saisir un juge pour voir ordonner le retrait du site incriminé soit auprès de son hébergeur ou à défaut auprès des FAI.

Cinquièmement. Nous pensons que la CNCDH devrait créer un groupe de travail chargé de suivre de près toutes ces questions

Marc Knobel.
Président de l’association de lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur l’Internet J’Accuse, il est également chercheur au CRIF.