28.2.07

IRAN : ROLAND DUMAS A TEHERAN

Iran : Roland Dumas à la recherche d’une « résolution » à Téhéran
28.02.2007

Roland Dumas est à Téhéran. Il y serait allé sur l’invitation de son ami Velayati (conseiller de Khamenei), qui ne peut venir en France, car il est sous mandat d’arrêt international. Pourtant il ne s’agit pas d’une petite réunion entre justiciables notables mais d’une vraie mission diplomatique.

Le 17 janvier 2007, Le Monde avait révélé la décision de Chirac d’envoyer un émissaire en Iran, à plus d’un mois de la fin de l’ultimatum adressé aux mollahs par le Conseil de Sécurité. La publication détaillée des dessous de cette affaire avait fait reculer le chef de l’Etat et mis dans l’embarras l’Elysée. Cette idée de l’envoi d’un émissaire de haut rang plaisait beaucoup à Téhéran et les mollahs ont été fort déçus par le coup bas du Monde. On est en mesure de se demander s’il s’agissait alors d’un vrai coup bas anti-Chirac (pro Sarkozy) ou d’une simple manœuvre de rattrapage de l’Elysée pour faire capoter une décision qui déplaisait aux amis arabes de la France.

L’article a été publié à la veille de la Conférence de Paris qui devait redorer l’image du président Chirac comme l’ami du peuple libanais. Une fois la conférence terminée, Paris est revenue à sa politique sinueuse habituelle et envisagea à nouveau l’envoi d’un émissaire prestigieux à Téhéran afin d’être au cœur de la résolution de la crise iranienne. C’est sans doute la seule « résolution » qui convient au Quai d’Orsay !

L’idée avait été reprise et suggérée par Velayati au cours de son entretien au Monde (6e réponse). Paris avait un problème avec l’identité de cet émissaire qui ne devait pas être le ministre des Affaires étrangères mais un émissaire de haut rang. Roland Dumas est la personne idéale. Il est à la fois un homme de confiance de Jacques Chirac et l’ami du régime des mollahs, mais aussi de haut rang sans être un officiel (il sonde).

Il ne faut pas voir en Dumas un vieux socialiste has been et malfamé, mais l’ex-président du Conseil Constitutionnel qui, le 22 janvier 1999, avait pris une décision favorable à Chirac sur la question de la Responsabilité Pénale du Chef de l’Etat en échange de la « neutralité présidentielle (de Chirac) dans les affaires judiciaires » le concernant. Il est sans doute l’un des hommes de confiance du président [1]. Et depuis qu’il boitille, il se prend pour Talleyrand. Il se veut un partisan de la raison d’état qu’il confond quand même assez souvent avec sa poche [2].

Par ailleurs, Dumas est un habitué de la branche internationale de la Télévision de la République des mollahs. Il leur accorde des entretiens exclusifs chaque fois que leurs provocations les mènent vers les no man’s lands médiatiques. Il a été récemment interviewé sur la mollah TV où il a répété des propos tenus plutôt à l’antenne de France Inter sur l’utilité de l’accession des mollahs à l’arme nucléaire. Il est à la fois 100% sûr pour Chirac et 100% bienvenu chez les mollahs. Ces relations avec Velayati remontent aux années de présidence de Rafsandjani. Dumas s’était rendu à Téhéran pour préparer un voyage officiel de Mitterrand à Téhéran en réponse à une visite officielle de Rafsandjani à Paris. Ainsi Rafsandjani, qui avait été le maître d’œuvre des attentats sanglants de Paris, pouvait enfin visiter la ville qui avait occupé ses pensées et fouler du pied la patrie des droits de l’homme !

À propos des droits de l’homme en Iran, rappelons les mots qu’avait alors prononcés notre Talleyrand tardif : « Le problème ne se pose jamais de la même façon ». Évoquant son séjour à Pékin, il avait pompeusement dit : « La porte de Tian an Men n’est pas à Téhéran. Il n’y aura pas de normalisation complète dans les relations bilatérales (avec la Chine) sans un respect scrupuleux des droits de l’homme. » [3] Ce qui voulait dire que les droits de l’homme et ceux de la femme sont respectés chez les mollahs.

Roland Dumas est sans doute l’homme de la circonstance et actuellement à Téhéran, il essaie d’obtenir « une résolution » en évoquant une réactualisation de l’accord de l’Eurodif. Cet accord (Eurodif 2) existe et ouvre un droit de prélèvement gratuit pour l’Iran mais le régime des mollahs n’en veut pas car il utilise cette crise pour obtenir une reconnaissance de son rôle régional. Paris refait la même erreur qu’avec la Troïka ou encore avec la proposition Européenne faite à l’Iran en juin 2006. Il n’y a pas de volet géopolitique dans cette dernière offre et en tout état de cause Paris n’est pas en mesure de leur accorder cette reconnaissance.

La décision de Paris s’inscrit dans une approche de cavalier seul qui dévalorise le processus engagé au Conseil de Sécurité. Mais on ne peut plus reprocher cette attitude à la France puisque les Américains s’y mettent à présent.

Cette ruée vers Téhéran va avoir des effets incontrôlables et poussera Téhéran vers un refus total car on ne répond pas à sa demande qui est la tenue d’une conférence internationale qui de facto sera synonyme d’un jackpot fait d’une reconnaissance de son rôle régional (au Liban) et peut-être même d’un visa pour le nucléaire de son choix. La Russie ne se laissera pas faire et ne renoncera pas à l’Iran. Nous sommes encore dans la phase de l’amplification de la crise mais cette fois, il y a 4 joueurs dans ce jeu de massacre.

WWW.IRAN-RESIST.ORG


[1] Jacques Chirac et Roland Dumas | Le 10 octobre 2000, dans un communiqué exceptionnel, le Conseil constitutionnel avait réagi aux déclarations qui mettaient en cause l’honneur de l’institution et de chacun de ses membres. Ces déclarations présentaient la décision du 22 janvier 1999 portant sur la responsabilité pénale du Chef de l’Etat comme résultant d’un « marché entre le Président du Conseil constitutionnel (Roland Dumas) et le Président de la République (Jacques Chirac) ».
- L’affaire Elf 1 (source www.denistouret.net)
- Roland Dumas (source www.denistouret.net) |

[2] La motivation de Roland Dumas | Le seul heureux dans cette affaire sera Roland Dumas : ce voyage confirmera ses talents d’intermédiaire commercial avec les infréquentables et relancera sa carrière de trouveur de marchés, carrière qui fût florissante dans les années où il fut également ministre. Il faut rappeler que Roland a aussi des amis Syriens et Libyens. Cependant, il est clair qu’il regrette encore son mot malheureux sur Tien an Men qui doit lui fermer les portes des marchés chinois. |

[3] Les déclarations de Roland Dumas à Téhéran en 1991 | « La porte de Tian an Men n’est pas à Téhéran » |
- (Source : les archives de l’Humanité
Les déclarations de Roland Dumas à Téhéran en 1991 - 160.6 ko
Les déclarations de Roland Dumas à Téhéran en 1991
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