19.10.07

LES DIFFERENTES FACETTES DE LA VISITE DE BACHAR AL-ASSAD EN TURQUIE

L’analyse de Khaled Asmar - Beyrouth

Pour la Syrie, la visite officielle qu’effectue le président Bachar Al-Assad à Ankara, depuis le 16 octobre, est d’une importance capitale. Elle intervient alors que la Syrie souffre d’un isolement régional et international.

Invité depuis déjà plusieurs mois, le président Assad a bien choisi la date de sa visite officielle en Turquie. Accompagné de son épouse Asma Al Akhrass et de son ministre des Affaires étrangères, Walid Al Moallem, Assad cherche à travers ce déplacement plusieurs objectifs :

>> Briser l’isolement de la Syrie, tant sur la scène arabe qu’internationale : Depuis son ingérence en Irak, et son soutien avéré au terrorisme dans ce pays, et depuis son retrait du Liban dans les circonstances que l’on connaît, la Syrie est boycottée par tous les pays arabes importants, l’Egypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite notamment. Cet isolement s’est accentué à la faveur du rapprochement stratégique entre Damas et Téhéran. La Turquie est à présent un poumon indispensable pour permettre à l’économie syrienne de respirer, l’autre poumon étant l’Iran.

>> Tendre la main à Ankara, un allié d’Israël : La Syrie entend renforcer son « partenariat stratégique » avec la Turquie. Et ce, pour plusieurs raisons : empêcher Ankara d’ouvrir son espace à l’aviation israélienne et/ou américaine en cas de conflit armé. Damas avait protesté contre l’utilisation de l’espace turc par les avions de chasse de Tsahal lors du raid du 6 septembre dans le nord-est du pays. Notons aussi que le territoire turc sert au trafic d’arme entre l’Iran et la Syrie. Un train de marchandise en provenance d’Iran, déclaré comme transportant des matériaux de construction, avait déraillé en mai 2007. Les Turcs ont découvert une cargaison d’armes et de lances missiles... De même, la Syrie compte réactiver la médiation turque pour reprendre pied dans le processus de paix avec Israël. Le président turc Abdallah Gül a vivement conseillé à Assad, aujourd’hui, de participer à la Conférence d’Annapolis.

>> Combattre les Américains par Turcs interposés : Le jour où le parlement turc s’est réuni et a donné son feu vert à l’armée pour effectuer des incursions dans le Kurdistan irakien, Assad a apporté un soutien ferme et inestimable à Ankara dans cette entreprise, alors que l’ensemble des pays arabes et l’Occident, les Etats-Unis en tête, ont appelé la Turquie à la retenue et à éviter de déstabiliser le Kurdistan, seule partie du territoire irakien qui bénéficie d’une stabilité relative. Ce faisant, Assad aiguise les rivalités entre les Turcs et les Kurdes, qui étaient pourtant les protégés de Damas pendant des décennies. La Syrie les avait longtemps instrumentalisés pour déstabiliser la Turquie dans son conflit sur l’eau et sur Alexandrette. Aujourd’hui, les donnes ont changé et Damas ne veut plus récupérer son territoire annexé par la Turquie et préfère concentrer ses efforts pour sauver son régime. De ce fait, la Syrie instrumentalise les Turcs pour empêcher l’émergence d’une entité kurde autonome et viable à sa frontière. L’autre objectif est de poursuivre la déstabilisation de l’Irak et d’enfoncer davantage les Américains dans son sable mouvant. Cette politique syrienne machiavélique est bien rodée. Elle consiste à allumer des contre-feux pour se protéger.

Notons que le président irakien, le kurde Jalal Talabani, en visite à Paris, où il a été reçu par le président Sarkozy, ce 17 octobre, a déclaré qu’il était « très déçu par le double langage syrien ». « Assad m’avait assuré du soutien syrien à l’unité territoriale et à l’indépendance de l’Irak », a textuellement dit Talabani, ajoutant que « le soutien apporté par Assad aux Turcs contredisait les engagements déjà pris ».

Dans ce contexte, le soutien syrien à l’engagement militaire turc dans le Kurdistan pourrait vivement irriter les Kurdes, mais également les Américains. Il ne serait pas étonnant d’assister, dans un proche avenir, à des tentatives de déstabilisation en Syrie par l’intermédiaire de la communauté kurde syrienne, particulièrement marginalisée par le parti Baas au pouvoir. Elle pourra compter sur l’appui des Kurdes irakiens et des Américains pour solder ses comptes avec Damas.

Khaled Asmar - Beyrouth

TEXTE REPRIS DU SITE MEDIARABE.INFO