18.5.08

1967 ET LA MEMOIRE SELECTIVE

La guerre des six jours a été déclenchée par Israël qui a annihilé l’aviation égyptienne après que Nasser, le leader égyptien, eût fermé le détroit de Tiran à la navigation israélienne (un casus belli, aux termes de la Loi de la Mer du 27 avril 1958).

Dans le même temps, l’ONU eût retiré ses casques bleus à la frontière israélo-égyptienne pour lui permettre de mettre en œuvre son programme officiel : « effacer Israël de la carte du monde », avec ses alliés syriens, libanais, algériens, marocains, koweïtiens, saoudiens, irakiens et jordaniens.

Le 5 juin au matin, l'armée israélienne passa à l'offensive et anéantit toutes les armées arabes qui l'encerclaient, occupant le Sinaï, Sharm el Sheik, la bande de Gaza, les hauteurs du Golan et la Cisjordanie. Les combats cessèrent le 10 juin à 18 heures.

Pourtant, le président de l'OLP Ahmed Choukeiri avait déclaré, le 30 mai : « Il n'y a pas de moyen terme, rien ne sera accepté en dehors d'une libération. En cas de conflit, il ne restera pratiquement pas de survivants juifs en Palestine. »

Non seulement le peuple juif resta dans son Etat, mais il se retrouva, de facto, avec la responsabilité de plus d’un million « d’Arabes de Palestine », ainsi qu’on les nommait alors.

La Résolution 242 du Conseil de sécurité de l'ONU
, votée le 22 novembre 1967, et invoquée à cor et à cri par les partisans du Hamas, stipule « que l'accomplissement des principes de la Charte exige l'instauration d'une paix juste et durable au Moyen-Orient qui devrait comprendre l'application des deux principes suivants :

1- Retrait des forces armées israéliennes de territoires occupés lors du récent conflit ;

2 - Cessation de toute menace ou état de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de chaque Etat de la région et de leur droit de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues à l'abri de menaces ou d’actes de violences.

(Elle) affirme la nécessité

a) De garantir la liberté de navigation sur les voies d'eau internationales de la région ;

b) De réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ;

c) De garantir l'inviolabilité territoriale et l'indépendance politique de chaque Etat de la région, par des mesures comprenant la création de zones démilitarisées. »

La clause 1 a provoqué de nombreuses controverses. Elle est inséparable de la suivante qui exige sans ambiguïté « la fin de toute menaces ou état de belligérance » et la reconnaissance que chaque État dans la région « a le droit de vivre en paix dans des frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces ou d'actes de violence. »

En ce qui concerne le retrait, le Conseil de Sécurité ne dit pas qu'Israël doit se retirer de « tous les » territoires occupés après la Guerre des six jours. L'omission est volontaire.

Les vaincus demandent une reddition inconditionnelle !

Les pays arabes voulaient ajouter le mot « tous » devant « les territoires », et décidèrent de lire la résolution comme s’ils avaient obtenu gain de cause, alors que l’ONU avait choisi clairement l’option inverse.

Lord Caradon, l'ambassadeur britannique qui rédigea la résolution finale, déclara : « Il aurait été erroné de demander qu'Israël retourne à ses positions du 4 juin 1967, parce que celles-ci étaient insatisfaisantes et artificielles.»1

Quant à l'ambassadeur américain, Arthur Goldberg, il précisa que l’expression « frontières sûres et reconnues » avait été incluse intentionnellement parce que les parties étaient supposées faire « des ajustements territoriaux dans leur règlement de paix, lequel n’implique pas un retrait complet de forces israéliennes des territoires qu’il occupe, dans la mesure où les frontières antérieures avaient démontré qu'elles étaient particulièrement peu sûres. »2

Pour les Etats arabes, la résolution 242 n’était acceptable que dans la mesure où elle exigeait un retrait total et inconditionnel d'Israël de tous les territoires occupés, ce qui n’était pas le cas. Ils la refusèrent donc et refusèrent même de s’asseoir à une table de négociations avec Israël, ce qui fit écrire à Abba Eban dans ses mémoires que « c'est la première guerre de l’histoire qui se termine avec un vainqueur courant après la paix et les vaincus lui demandant une reddition inconditionnelle ! »3

. Imagine-t-on en effet, en 1945, l’Allemagne refusant de s’asseoir à la table des négociations avec les Alliés et exigeant qu’on lui rende l’Alsace, la Lorraine, l’Autriche et la Pologne? L'OLP de son côté refusa la Résolution 242 déclarant que « la mise en oeuvre de ladite résolution mènera à la perte de tout espoir pour l'établissement de la paix et de la sécurité en Palestine et au Moyen Orient. »4

Les Israéliens, eux, avaient accepté la Résolution : « Mon gouvernement a indiqué son acceptation de la résolution du Conseil de Sécurité pour la promotion d'un accord en vue de l'établissement d'une paix juste et durable. Je suis aussi autorisé à réaffirmer que nous sommes disposés à chercher un accord avec chacun des États arabes sur tous les sujets inclus dans cette résolution », déclara leur ambassadeur.5

De fait, dans le cadre de l’accord signé avec la Syrie en 1974, Israël restitua à celle-ci les territoires qu’il avait conquis lors des guerres de 1967 et 1973.

Aux termes du traité de paix signé en 1979 avec l’Égypte, il se retira pour la troisième fois consécutive de la péninsule du Sinaï. Il avait déjà évacué de larges portions de ce désert, conquis pendant la guerre de 1948. Après avoir, pendant la campagne de Suez de 1956, conquis à nouveau la totalité du désert du Sinaï, il l’avait rendu à l’Égypte un an plus tard.

Le retour des réfugiés

Quant aux réfugiés, la seule phrase qui les mentionne dans la résolution 242 ne cite pas les Palestiniens mais évoque le « problème DES réfugiés ». Or ce terme de réfugiés s’applique aussi aux Juifs qui vivaient dans des pays arabes et qui ont fui ou ont été chassés de chez eux.

Les réfugiés d’un bord et de l’autre sont à peu près en nombre égal. La différence réside donc ailleurs : les Juifs n'ont jamais été dédommagés par les états arabes, et aucune organisation de l'ONU n'a jamais été créée pour leur venir en aide.

Les deux adversaires n’ont pas les mêmes critères, pas les mêmes objectifs ni les mêmes valeurs. « Nous ferons la paix avec les Arabes », disait Golda Meir, dans les années 1950, « quand ils aimeront leurs enfants plus qu’ils ne nous haïssent ».

50 ans plus tard, en déclarant : « Nous vaincrons parce qu’ils aiment la vie autant que nous aimons la mort », Arafat semblait lui répondre que la paix était impossible...

Liliane Messika

Primo Europe

1 Beirut Daily Star, 12 juin 1974.
2 Paul Giniewski : Dans les oubliettes de l'histoire - Editions Vander, Paris 1975.
3 Abba Eban : Mon Peuple - Buchet/Chastel, Paris 1970.
4 Dans une déclaration à l'Assemblée Générale de l'ONU, le 15 octobre 1968.
5 Déclaration de l'Ambassadeur israélien Abba Eban devant le Conseil de Sécurité, le 1er mai 1968.

* Co-auteur avec Fabien Ghez de l'ouvrage de référence La paix impossible