15.8.08

COMMENT ARRETER POUTINE

Par Charles Krauthammer
Jewish World Review
Adaptation française de Sentinelle 5768 ©

Le cessez-le-feu négocié par le président de la France vaut moins qu’il n’y paraît. Ses modalités continuent d’évoluer à mesure que l’armée russe continue de bouger. La Russie a depuis occupé Gori (justement, lieu de naissance de Staline), coupant effectivement la Géorgie en deux.

La route vers la capitale, Tbilissi, est ouverte, mais apparemment, le premier ministre Vladimir Poutine a temporairement choisi de parvenir à ses objectifs grâce à la pression militaire, et avec l’acquiescement occidental plutôt que par une occupation sans fard.

Ses objectifs sont clairs. Ils vont au-delà du détachement de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie de la Géorgie et de leur absorption au sein de la Russie. Ils vont au-delà de la destruction de l’armée géorgienne, laissant le pays à la merci de la Russie. Le véritable objectif est la finlandisation de la Géorgie par le renvoi du président Mikheil Saakashvili et son remplacement par une marionnette russe.

Ce qui explique l’arrêt par Poutine de l’armée russe (pour l’instant) à peu de distance de Tbilissi. Ce que chacun ne voit pas dans les termes du cessez-le-feu c’est que toutes les futures étapes - retraits des troupes, arrangements territoriaux, forces de maintien de la paix - devront toutes être négociées entre la Russie et la Géorgie.

Mais la Russie déclare qu’elle ne parlera pas à Saakashvili. Aussi le changement de régime devient le premier pré-requis pour tout mouvement sur tous les fronts. Ce sera le refrain de Poutine dans les prochains jours. Il compte sur l’Europe pour mettre la pression sur Sakashvili pour démissionner et / ou s’enfuir pour « donner une chance à la paix ».

La Finlandisation de la Géorgie donnerait à la Russie le contrôle du pipeline Bakou-Tbilisi-Ceyhan, qui est la seule voie significative en direction de l’ouest pour le pétrole et le gaz de la mer caspienne qui ne passe pas par la Russie. Les pipelines sont les lignes de vie économiques pour d’anciennes républiques soviétiques telles que Le Kazakhstan et l’Azerbaijan, qui ne vivent que des exportations d’énergie. Moscou deviendrait le maître du bassin de la Caspienne.

Soumettre la Géorgie a un effet additionnel. Il alarme les anciens satellites de la Russie - Etats baltes et en Europe de l’Est - sur ce qui arriverait s’ils se rapprochaient trop de l’Occident. C’est la première étape pour rétablir l’hégémonie russe dans la région.

Que faut-il faire ? Soyons réalistes. Il n’y a rien à faire militairement. Ce que nous pouvons faire, c’est modifier les calculs coûts / bénéfices de Poutine.

Nous ne sommes pas sans ressources. Il y a un ensemble de mesures à déployer si la Russie ne s’en tient pas à ses engagements de cessez-le-feu :

1. Suspendre le conseil OTAN-Russie établi en 2002 pour contribuer à rapprocher la Russie de l’Occident. Faire savoir clairement que la dissolution suivra de près la suspension. Le conseil confère un siège à la Russie à la table de l’OTAN. Message : envahir des démocraties voisines fait perdre le siège.

2 - Interdire l’entrée de la Russie dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

3 - Dissoudre le G-8. La dictature de Poutine a depuis longtemps transformé en farce la présence de la Russie dans ce groupe de démocraties libérales, mais personne ne voulait contrarier l’ours en l’expulsant. Ce n’est pas nécessaire. Les sept démocraties se retirent tout simplement. (Et si Silvio Berlusconi d’Italie, qui a marqué sa sympathie à Poutine dans l’aventure en Géorgie, veut rester, il peut avoir un dîner annuel du G-2 avec Poutine). Ensuite, immédiatement, annoncer la reconstitution du G-7 originel.

4 - Annoncer un boycott des USA et de l’Europe des Jeux Olympiques d’hiver de 2014 à Sochi. Agir autrement serait obscène. Sochi est à 24 kms de l’Abkhazie, l’autre province géorgienne tout juste envahie par la Russie. Les jeux deviendront une compétition captivante entre les équipes de bobsleigh russe, biélorusse et jamaïcaine.

Toutes ces mesures (sauf la dissolution du G-8, qui devra être irréversible) seraient sujettes à révision suivant les agissements russes - le plus important et au minimum, son retrait total des troupes de Géorgie jusqu’à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie

La mesure la plus cruciale et inconditionnelle, cependant, est celle-ci : réaffirmer notre soutien au gouvernement de Saakashvili et déclarer que son renvoi par les Russes conduirait à la reconnaissance d’un gouvernement en exil. Cela serait instantanément compris pour nous comme un fondement légal pour fournir et soutenir une résistance géorgienne contre tout régime installé par les Russes.

Le président Bush pourrait compter sur sa relation personnelle étroite avec Poutine pour lui adresser une copie du film très divertissant (et de la plus haute fiction) « Charlie Wilson’s War », pour rappeler à Vlad notre capacité à faire saigner la Russie. Poutine n’aurait pas besoin de rappels de la capacité des Géorgiens, et de la longue histoire pour en faire de même aux envahisseurs.

Bush a besoin de se rattraper pour son moment de mini-Katrina quand il s’attarda à Pékin, exultant avec notre équipe de volleyball de plage, pendant que Poutine s’envolait pour l’Ossétie du Nord diriger l’invasion d’un pays voisin. Bush envoie la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice en France et en Géorgie. Ce n’est pas trop tôt. Sa tâche doit être de présenter ces sanctions, d’obtenir l’accord de l’Europe sur autant de points que possible, et de commencer à les imposer, en les calibrant selon le comportement russe. Et le plus important de tous, empêcher l’Europe de chanceler sur la survie du gouvernement démocratiquement élu de Géorgie.

Nous avons des cartes en mains. Nous devons les jouer. L’enjeu est très important.

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