20.8.08

LE PROTECTEUR AMERICAIN DE L'IRAN

Caroline Glick
JERUSALEM POST
Adaptation française* de Sentinelle 5768 ©

Le secrétaire d’Etat à la Défense des USA, Robert Gates est le chéri des ennemis de l’administration Bush. S’extasiant sur Gates dans un éditorial récent du ‘Washington Post’, L’auteur David Ignatius entonna : « Gates est une anomalie dans cette administration de canards boiteux. Il continue de se battre sur tous les fronts, travaillant à réparer les dommages faits au Pentagone par son prédécesseur arrogant et distant, Donald Rumsfeld ». Ignatius appela la prochaine administration à donner à Gates un rôle majeur pour diriger sa politique étrangère et de défense.

On peut seulement espérer que le conseil d’Ignatius sera ignoré.

Aujourd’hui la posture stratégique des USA est en ruines après l’invasion de la Géorgie, leur alliée. Le fait qu’en dehors d’émettre de fortes réprimandes, l’administration n’a aucune stratégie politique pour faire face à l’agression de la Russie montre clairement que ce mouvement a pris Washington totalement par surprise.

Que la Russie ait été apparemment capable d’envahir la Géorgie sans l’anticipation des USA, c’est une mise en accusation brûlante de toutes les agences américaines de renseignement. Comme ce fut le cas avant les attaques de 11 septembre 2001, une fois encore les agences de renseignements des USA ont failli à leur pays.

Mais l’échec des agences de renseignement de l’Amérique à saisir la signification des intentions de la Russie n’était pas seulement de leur fait. Il doit être aussi partagé par Gates et son homologue du Département d’Etat, Condoleezza Rice. Les deux secrétaires de cabinet au plus haut niveau ont manqué de remarquer ce que la Russie faisait, ou comment ses actions influenceraient les intérêts de USA.

Le déni de Gates de l’hostilité stratégique de Moscou envers les USA a été démontré à la fin du mois dernier. Alors que la Russie massait ses troupes le long de la frontière de la Géorgie, Gates assouplissait sa nouvelle Stratégie de Défense Nationale qu’il présentait comme « une grille de réussite » pour la prochaine administration.

La stratégie sur le papier de Gates, qui anticipe des campagnes asymétriques contre des acteurs non étatiques, comprenant le gros des opérations militaires des USA dans les décennies à venir, a fait dresser les cheveux sur la tête des commandants militaires américains quand il s’intéressa à la Russie et à la Chine. Selon la vision de Gates, la meilleure manière de faire face à ces puissances autoritaires montantes, c’est de nier qu’elles constituent une menace pour les intérêts des USA. Plutôt que de bâtir des forces pour faire front, Gates défend la construction de « relations de collaboration et de coopération » avec elles.

Le penchant de Gates pour la collaboration et la coopération avec les rivaux et ennemis des USA est sans aucun doute la raison pour laquelle la Gauche le soutient avec autant d’enthousiasme. Depuis qu’il assume sa fonction après les élections de novembre 2006, trahir des alliés suivant une stratégie de compromission avec des ennemis et rivaux des USA a été au centre de ses efforts. Avant sa nomination au Pentagone, Gates était membre du ‘Groupe d’Etude sur l’Irak’ [ISG en anglais] dirigé par James Baker et Lee Hamilton. La violente attaque du rapport de l’ISG, publié le 6 décembre 2006 - le jour où il prêta serment à son poste - préconisait que pour que les USA maintiennent leur crédibilité au Moyen-Orient, et de façon générale, il était nécessaire de faire des compromis avec ses ennemis en trahissant ses alliés.

Alors que le rapport de l’ISG était ostensiblement centré sur l’Irak, son vrai pôle était Israël. Bien que le rapport défendît le retrait de toutes les brigades de combat américaines d’ici au début de 2008, il n’était pas marié avec la proposition. Il autorisait la possibilité d’un renforcement temporaire des forces des USA pour sécuriser Bagdad, et permettre ainsi au gouvernement irakien d’affirmer son contrôle sur le pays et de bâtir son armée.

Tout en étant ambivalent sur l’Irak, le rapport Baker-Hamilton ne cessait pas d’insister pour que les USA prennent leurs distances par rapport à Israël. Le rapport soutenait que pour gagner le soutien régional - et bien sûr international - au projet de stabiliser l’Irak, il était nécessaire que les USA passent des compromis avec les Syriens, les Iraniens, les Saoudiens, les Egyptiens et les Jordaniens. Et la meilleure façon de le faire, prétendaient-ils, était d’étriper Israël. Le rapport recommandait qu’Israël soit obligé de donner à la Syrie les Hauteurs du Golan, et contraint à accepter un Etat palestinien en Judée, Samarie, à Gaza, et à Jérusalem, qui serait dirigé par un « gouvernement national d’unité » Hamas - Fatah.

Comme Baker et Hamilton, Gates n’était pas marié à l’idée d’un retrait rapide des forces combattantes en Irak. A la place, il soutenait le renforcement, et pour cela, il obtint un grand enthousiasme à Washington. Mais comme Baker et Hamilton, Gates ne renonçait pas à pousser les USA à prendre leurs distances avec Israël. De fait, dans sa stratégie de défense nationale, Israël n’est pas sur la liste des alliés des USA.

Le choix de Gates d’abandonner l’alliance avec Israël pour adopter les voisins iraniens et arabes de l’Irak n’est jamais plus apparent que dans ses actes concernant le programme d’armements nucléaires de l’Iran. Et ces actes sont la simple poursuite des ses efforts avant d’entrer en fonction. En 2004, Gates a cosigné une étude pour le Conseil sur les Relations Etrangères avec l’ennemi d’Israël Zbigniew Brzezinski, appelant les USA à se rapprocher de l’Iran aux dépens d’Israël.

Au cours des neuf derniers mois, en grande partie du fait de la position favorable de Gates, cela a été la raison essentielle de la violente poussée de stratégie politique des USA à l’égard de l’Iran et d’Israël Cette politique implique de minimiser l’urgence de la menace de l’acquisition par l’Iran d’armements nucléaires, en comprenant les progrès que l’Iran a faits vers l’accession au nucléaire, en œuvrant ouvertement à un compromis avec l’Iran grâce au soutien des USA et à la participation à des négociations de l’Union Européenne avec Téhéran.

La première attaque des USA sur ce qui jusqu’alors a constitué un front public plus ou moins uni avec Israël sur la question du programme nucléaire de l’Iran est intervenue avec la publication de l’Estimation du Renseignement National [NIE en anglais] des USA sur le programme d’armements nucléaires de l’Iran en novembre dernier. Face aux appels ouverts de l’Iran à la destruction d’Israël et des USA, à ses progrès rapide dans ses activités d’enrichissement de l’uranium, à son rôle dirigeant de l’insurrection en Irak, du hezbollah au Liban, et du Hamas dans l’Autorité Palestinienne, et à son accumulation de missiles balistiques, le NIE a prétendu que l’Iran avait mis fin à son programme d’armements nucléaires en 2003.

La publication du NIE a été un revers sévère non seulement pour les efforts d’Israël pour isoler l’Iran et forger un consensus international sur la nécessité de faire face à Téhéran. Ca a aussi été une frappe de précision contre l’objectif même déclaré par les USA de construire un consensus pour des sanctions contre l’Iran au Conseil de Sécurité de l’ONU. Gates fut responsable de la dissémination publique du rapport.

Au cours des derniers mois, alors que l’Iran a fait monter sa rhétorique génocidaire, pris le contrôle du gouvernement libanais, renforcé son alliance avec la Syrie, augmenté ses forces offensives, doublé l’échelle de son enrichissement d’uranium, et renforcé ses attaches avec la Russie, Gates est sorti de l’ombre vers la lumière. Assisté par le Président de l’ensemble des chefs d’administration, Michael Mullen, et du directeur national du renseignement Michael McConnell, Gates a mis en tête de ses préoccupations la défense des installations nucléaires de l’Iran contre toute perspective d’attaque israélienne ou américaine

Gates a constamment proposé de « prendre langue » avec l’Iran. En mai par exemple, il a déclaré à un groupe de diplomates américains en retraite : « Nous devons trouver le moyen de développer un levier... et puis nous asseoir pour parler avec eux. S’il se met en place une discussion, alors ils ont aussi besoin de quelque chose. Nous ne pouvons pas aller discuter en étant les seuls demandeurs, alors qu’eux ressentiraient qu’ils n’ont rien besoin de notre part ».

Suivant l’orientation bien claire de Gates, les USA n’ont pas seulement cessé d’être les « demandeurs », ils sont devenus les « suppliants » de l’Iran. Et cela a été payé d’un accroissement de l’extrémisme iranien. L’Iran a reçu la décision des USA de se joindre ouvertement aux Européens en lui offrant tout, depuis un réacteur nucléaire jusqu’à la position de membre de l’Organisation Mondiale du Commerce le mois dernier : en réponse, une action militaire accrue dirigée tout récemment contre les alliés des Américains dans le Golfe persique. L’Iran a menacé les expéditions internationales de pétrole à travers le détroit d’Ormuz, lancé un satellite et testé encore d’autres missiles, et appelé encore et encore à la destruction d’Israël.

Mais cela n’a pas arrêté Gates. Depuis que l’Iran elle-même a démontré la fausseté du rapport de la NIE, Gates est passé d’une forme subtile à une opposition ouverte à des frappes militaires des USA contre ses installations nucléaires. Avec Mullen, au cours de derniers mois, il a répété qu’attaquer l’Iran serait un désastre pour les USA. Et il ne s’en est pas arrêté là. Gates a usé de son autorité comme secrétaire d’Etat à la Défense pour bloquer aussi toute possibilité qu’Israël puisse attaquer l’Iran.

En juin, le Pentagone a laissé fuiter une information sur l’exercice massif des Forces Aériennes d’Israël [IAF] en Méditerranée, qu’il prétendit être une répétition d’une attaque contre l’Iran. Le même mois, McConnell et Mullen ont visité Israël et rejeté des demandes d’équipement militaire et un autre soutien qui aurait amélioré sa capacité pour attaquer les installations nucléaires de l’Iran. Affirmant que concernant le caractère infaillible des estimations du renseignement des USA, le programme nucléaire de l’Iran n’approche pas de la finalisation, Mullen et McConnell ont dit aussi à leurs interlocuteurs que les USA s’opposent à une frappe israélienne contre l’Iran. En conséquence, les Usa refuseront à l’IAF le droit de survoler l’espace aérien irakien.

Alarmés par le glissement rapide de l’administration du côté de l’Iran ces derniers mois, les commandants supérieurs de Tsahal et les ministres du cabinet se sont précipités à Washington. Le mois dernier, le chef d’Etat Major Général, le Lt. Général Gabi Ashkenazi a passé une semaine à Washington pour tenter de convaincre les Américains de changer d’orientation. Après qu’Ashkenazi eût échoué dans cette mission, le ministre de la Défense Ehud Barak, la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni et le ministre des transports Shaul Mofaz ont tous convergé à Washington. Ils ont aussi échoué.

Pour cacher la position maintenant ouvertement pro-iranienne au public, Mullen a donné à Ashkenazi une médaille du Mérite non sollicitée. Gates a donné son accord pour fournir à Israël des systèmes de défense anti-missiles avancés, qui pourraient être déployés dès 2011 si le financement se maintient. S’ils sont déployés avec succès, ces systèmes antimissiles seraient capables d’intercepter jusqu’à 90 % des têtes nucléaires iraniennes à venir.

Parlant de l’invasion de la Géorgie par la Russie en fin de semaine, Gates a prétendu que les actes de la Russie nuiraient aux relations avec les USA et l’Occident « pour les années à venir ». Mais dans le même temps, il se montra réticent à mentionner une seule mesure concrète que l’administration envisagerait d’adopter contre la Russie, mettant en avant qu’il « n’y a aucun besoin de se précipiter en toutes choses ».

L’administration a été accusée par ses critiques d’ignorer l’alliance stratégique entre la Russie, l’Iran et la Syrie. Cette alliance est devenue très apparente suivant l’assistance de la Russie aux programmes nucléaires et balistiques de l’Iran, et à la fourniture de systèmes de défense sophistiqués aux deux pays. Pourtant, il est plus que probable que l’administration est profondément consciente de cette alliance. Bush a seulement décidé de suivre la recommandation de Gates de chercher des compromis avec les trois.

La position de Gates représente te un défi décourageant pour Israël et bien sûr pour les USA. Si l’on doit empêcher l’Iran d’exécuter un génocide, et si Bush espère quitter son poste avec seulement un filet de crédibilité internationale, Gates doit être expédié fermement de côté.

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