19.5.09

Procès Fofana: l'audience a repris hier




Retour de week-end, chacun a retrouvé sa petite place dans la salle d'audience. Un juré bien malade, des avocats qui ont rêvé des audiences, les mêmes gendarmes derrière les accusés reposés.



L'avocat de Youssouf Fofana, maître Emmanuel Ludot, est revenu avec des conclusions sous le bras. Il entend faire ainsi suite à l'émission «Mots Croisés», où un policier avait évoqué une enquête diligentée par la DGSE hors cadre légal sur le dossier Fofana. L'avocat demande donc l'audition du ministre de la défense à l'époque des faits, Michèle Alliot-Marie, pour qu'elle explique à la cour de quoi il retourne. La présidente, Nadia Ajjan, a sursis à statuer, ce qui signifie qu'elle reporte sa réponse.



Youssouf Fofana, lui, s'est à nouveau fait remarquer en décrétant qu'il ne parlerait désormais plus qu'à trois personnes. D'abord, Me Francis Szpiner, avocat de la famille Halimi, qu'il considère comme «le représentant du sionisme en France». Puis l'avocat général Philippe Bilger, «parce qu'il représente la société», et auquel il aurait demandé «Bilger, c'est israélite, non ?». Enfin, la présidente Nadia Ajjan. Il ne répondra donc plus à aucun des avocats de la défense, pas même aux siens, a-t-il prétendu. Peu importe, le procès se poursuit.



Le magazine Choc, qui publiait ce week-end la photo que la famille Halimi avait reçue d'Ilan, alors qu'il était retenu par Fofana et sa bande, a circulé parmi les avocats. Ils ont découvert en pages intérieures les clichés pris en garde à vue, de chacun des accusés, leurs noms, leurs prénoms, le rôle reproché à chacun dans le dossier.



La cour a examiné ce lundi les tentatives d'enlèvement d'Olivier Z. et Jacob G. Le second ayant expliqué à la barre qu'il n'a pas porté plainte, ni ne s'est constitué partie civile parce qu'il n'avait rien raconté à l'époque à sa petite amie, et qu'aujourd'hui encore elle ignore tout de cette affaire. C'était en décembre 2005. Olivier Z. devait de l'argent à un certain Kamal F., qui aurait demandé à Youssouf Fofana de l'aider à régler ce compte. L'occasion pour ce dernier de mettre en œuvre son projet d'enlèvement. Alexandra S. était l'appât. Elle a téléphoné, a dit s'appeler Manuelle ou Melvina, a fixé rendez-vous à Nation d'abord. Olivier Z. est venu accompagné d'un ami, Jacob G. Il se méfiait, il voulait savoir où Alexandra avait trouvé son numéro de téléphone. Elle n'a rien dit, Olivier Z. est parti. Et Jacob est resté un moment avec Alexandra S. Tous deux se sont revus, une fois, deux fois, et la troisième fois, Alexandra S. a demandé à Jacob G. de la raccompagner à Arcueil, ou elle prétendait habiter. Il l'a reconduite au pied d'un immeuble, à l'entrée d'un parking trop sombre, il a eu peur, il a fui. Pendant ce temps, Fofana et ses camarades attendaient cagoulés dans le souterrain. D'autres, plus loin, mettaient le feu à un véhicule pour faire diversion, occuper la police. Jacob G a reçu un appel du numéro d'Alexandra S. Une voix d'homme qui lui disait qu'il avait eu de la chance, que s'il était entré dans le parking, on l'y aurait ligoté.



A propos de ceux qui l'ont aidé, Youssouf Fofana a dit qu'ils étaient des «incompétents», des gens «bêtes», en lesquels il avait peu confiance. Il ne leur disait pas quels étaient ses véritables projets. Il leur laissait croire, pour les uns, qu'ils participaient à des histoires de trafics de stups, pour les autres, à des règlements de compte. Pour Alexandra S., il a redit qu'il l'avait mise «sous pression». Ce que la jeune femme n'a pas voulu reconnaître.



Et chaque jour, la famille Halimi tient à être présente sur le banc des parties civiles, à côté des autres victimes de Fofana, celles qui ont eu de la chance. On dit qu'elle prie beaucoup, pour tenir. Qu'elle souffre un peu de n'être jamais saluée, ni même regardée par les avocats de la défense. La veille du début de ce procès, Ruth Halimi avait rencontré Fadela Amara avec Emilie Frèche, co-auteur du livre 24 jours, la vérité sur la mort d'Ilan Halimi (Seuil). Elles avaient soumis l'idée de donner son livre à étudier dans les écoles des banlieues françaises. Parce qu'elle sait bien que «ce qui se joue, au fond, c'est notre responsabilité vis-à-vis d'une certaine jeunesse», explique Emilie Frèche.




Source: Blog d'Elsa Vigoureux - mardi 19 mai 2009